La corrida
«Mauvais toros, mauvais toreros. Tu me diras qu'il est honteux de parler de «mauvais» toros, tout autant que d'«indigènes paresseux» car enfin ils ne nous demandent rien et on va les chercher. D'accord et c'est bien ce qui indignait Bost. «Vous m'aviez dit que le toro prenait part à la course. Mais il se désintéresse totalement de la question.» Et il est de fait que le toro idéal, celui dont le torero «fait ce qu'il veut» est une sorte de saint-cyprien des taureaux, coléreux, héroïque et stupide, qui fonce partout. Ceux qu'on nous a montrés reculaient devant l'étoffe rouge en grattant le sol de leurs sabots et en mugissant lamentablement. Il y en a même un qu'on n'a pas pu tuer: il foutait le camp. Alors on a fait entrer dans l'arène un veau avec des clochettes et le veau a ramené paisiblement le toro sanglant à sa suite. Les toreros faisaient des passes correctes mais il tuaient mal. Les bêtes saignaient tout ce qu'elles savaient et il fallait s'y reprendre à quatre fois pour les tuer. On leur arrachait l'épée inefficace plantée dans leur nuque avec une canne et on leur en plongeait une autre et ainsi de suite jusqu'à ce qu'ils tombent. Encore fallait-il les achever au couteau.»
Jean-Paul Sartre, Lettre à Louise Védrine
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