LES ANIMAUX NE SONT PAS DES CHOSES !

Les animaux ne sont pas des choses ! Comme nous, ils veulent vivre en paix

dimanche, novembre 12, 2006

Le chat des tranchées

... À l'instant précis où il reprenait conscience de la réalité, il eut un coup au cœur : son chat n'était plus à sa place, bien calé sur sa poitrine, il était parti, où pouvait-il bien être ? La mort dans l'âme, il demanda aux autres s'ils n'avaient pas vu le chat, personne ne savait et puis ce n'était pas le moment de discuter de ce genre de chose, la peur avait étreint chacun des visages dans le matin blafard, un silence terrible régnait alentour, on entendait, au loin, le cri d'oiseaux qui passaient en rase-mottes au-dessus des lignes, des vautours, un gars tenta une plaisanterie du genre : « en temps de chasse, il serait pas repassé au-dessus de nous, je l'aurai tiré au premier passage... ». Il n'y eut pas de réponse. ... Le soldat, en sautant au fond de la tranchée, souffla un grand coup et pensa à son chat, où était-il passé, celui-là. Il avait de la peine à l'avoir perdu, quand un soldat, au loin hurla : « le chat, le chat, François, ton chat est par ici... ». D'un bond, il surgit au dessus de la tranchée et se dirigea vers l'appel en demandant au copain: « où ça, où ça ? ». Au bout d'un moment quand il eut traversé en rampant un bout du bois réoccupé, il vit le pelage brun de son chat, affolé, allant en zigzaguant d'un arbre à un autre et juste au moment où il commençait à grimper dans l'un d'eux, une balle l'atteignit en plein poitrail, tué sur le coup, il retomba lourdement de tout son long dans la mousse fraîche du sous bois. Le soldat arriva à ce moment-là, il le prit, le caressa, l'embrassa, lui parla tout bas et le ramena à la tranchée. Les gars, un moment, se regroupèrent autour de lui, le temps de jurer sur la connerie des guerres que déjà le capitaine aboyait des ordres qu'il fallait exécuter de suite. Le jeune soldat prit le temps de faire un trou et d'y enfouir son chat, le recouvrit et piqua dessus un bout de branche calcinée qu'il trouva à portée de main. Ce n'était qu'un jour ordinaire de guerre, un jour semblable aux nombreux autres, fait de malheur et de révolte, de sang et d'une petit dose d'espoir de rester le plus longtemps possible en vie, jour après jour, jusqu'à la fin des combats. Michel Ostertag