LES ANIMAUX NE SONT PAS DES CHOSES !

Les animaux ne sont pas des choses ! Comme nous, ils veulent vivre en paix

dimanche, décembre 03, 2006

Laissez-les vivre !

... J'ai des amis chasseurs. Ils ne sont pas tout à fait mes amis. Il y a leur fusil entre nous. Et vous qui êtes chasseur et qui me lisez, vous êtes aussi presque mon ami. C'est pour eux, c'est pour vous que j'écris ceci : la prochaine fois que vous irez à la chasse, essayez, honnêtement, de faire ce petit exercice, au moins une fois : quand vous aurez un oiseau ou un lapin au bout de votre canon, n'appuyez pas aussitôt sur la détente. En un instant, regardez-le, VOYEZ-LE, tel qu'il est, miracle de vie en mouvement, combinaison prodigieusement organisée da chair, de sang, d'efficacité et de beauté. Il a fallu trois milliards d'années pour le fabriquer et le mettre au point dans sa perfection. Allez-vous le détruire. VOUS ? Si votre index appuie, voilà, vous n'êtes plus que cela, réduit à la dimension de cette phalange, commandée par un instinct automatique qui est devenu votre maître et sous laquelle votre personnalité disparaît. Si vous VOYEZ, si vous admirez et laissez vivre, c'est votre esprit qui est entré en jeu, votre esprit d'homme capable de comprendre et d'aimer. Et alors, quelle joie vous éprouverez, qui se renouvellera sans cesse... Pour avoir VU la vie en un instant, vous allez la reconnaître et la voir partout. Dans ces arbres nus parmi lesquels vous marchiez sans les regarder et dont chaque cellule prépare avec puissance, avec obstination, le retour du printemps. Sous l'herbe sèche que vous foulez, et dont les racines vives contiennent les plans et l'élan de l'herbe nouvelle. Dans la motte de terre que votre semelle aplatit, et qui abrite autant de vies microscopiques qu'un ciel d'étoiles. Et en vous-même, qui sans cesse oubliez que vous vivez... Au fusil, au piège, à la strychnine, on tue, on tue, on tue. Involontairement, on détruit. Le D.D.T. perturbe la ponte et la reproduction. Pour laisser passer les tracteurs, on a rasé las haies. Elles étaient l'habitat des plus charmants de nos oiseaux : le rouge-gorge, le bruant, la fauvette, la linotte, le pinson. Ils disparaissent avec elles. Traqués, fusillés, empoisonnés, chassés dans toutes les campagnes, les oiseaux se sont réfugiés dans les villes. Il y a un couple de faucons au sommet d'un clocher parisien, je ne vous dirai pas lequel: II y a par bonheur des merles dans tous nos jardins et nos squares, des moineaux sur nos trottoirs, des pigeons sur nos toits.Mais l'inexplicable, furieux instinct de destruction de l'homme les poursuit jusque là. Il a pris une forme administrative. On fait la guerre aux pigeons sous prétexte de propreté. Les crottes de pigeons souillent les statues, et les façades de certains ministères…Quel dommage ! Quelle injure ! Ne pourrait-on pas, tout simplemant, les nettoyer ? Ce serait un beau métier d'être nettoyeur de statues... D'aller brosser les cheveux d'Alfred de Musset, caresser les épaules des Trois Grâces da Maillol... Cela coûterait cher? Cela ferait quelques chômeurs de moins à payer... Et j'aimerais savoir combien coûte la guerre aux pigeons, dont sont souvent victimes les moineaux. Vous avez pu voir dans la presse la photo de moineaux pris à la glu sur la corniche d'un immeuble et morts de faim, de soif et de peur. On m'a assuré que ce n'étaient pas les services municipaux qui avaient ordonné ce piègeage, mais sans doute le ou les responsables de l'immeuble en question. Je voudrais que celui qui a donné l'ordre de poser ces gluaux fasse un instant l'effort d'imaginer que c'est lui ou son enfant qui est pris jusqu'aux hanches dans une colle dont il ne peut s'arracher, au bord d'une falaise, sous le soleil et la pluie, personne ne venant lui porter secours, dans l'horreur et le désespoir, jusqu'à la mort... Je voudrais que chaque chasseur fasse l'effort d'imaginer qu'il est à l'autre bout de sa ligne de mire, que c'est lui qui va recevoir tout à coup la charge effroyable qui va lui broyer le corps...Je sais : on va me taxer de sensiblerie. C'est vite dit. C'est surtout à nous, les hommes, que je pense. Tuer nous avilit. Chaque coup de fusil blesse celui qui tire, et blesse l'espèce humaine tout entière.Les oiseaux sont l'écriture de Dieu entre l'arbre, la terre et l'homme. Le vol d'un oiseau explique et pose des mystères, montre le ciel, dessine l'amitié. Son chant est le langage universel que nous comprenons sans avoir besoin de le connaître. Il nous parle de joie et d'amour. Les oiseaux obligent les hommes à lever la tête vers le ciel. même ceux qui les tuent. Ils nous aident à vivre. En les tuant nous détruisons ce qu'il y a de plus léger, de plus lumineux, de meilleur en nous. Article de René Barjavel au Journal du Dimanche du 30 novembre 1975