LES ANIMAUX NE SONT PAS DES CHOSES !

Les animaux ne sont pas des choses ! Comme nous, ils veulent vivre en paix

dimanche, septembre 17, 2006

«Dernièrement on a chassé à courre, comme ils appellent ça dans les environs et le cerf est venu se faire prendre précisément derrière notre village. C'était la première fois que je voyais une chose pareille, et pour vous dire la vérité j'en ai été plus dégouté que réjoui. On dit qu'il y a des pays où on s'amuse à faire combattre des coqs entre eux, des chiens contre des ours, ou à faire éventrer des chevaux par des taureaux; ça n'est certainement pas pire que de voir une cinquantaine de chiens, enragés, après une pauvre bête de cerf, et lui déchirant les entrailles pour le plaisir d'un tas de farceurs qui n'ont même déployé ni force, ni malice contre lui. Les curés prétendent que les hommes descendent des anges; mais il y a des savants qui croient qu'ils descendent des bêtes; quand on voit ces choses-là on est porté à croire que c'est les savants qui ont raison.» E. Thirion, La Politique au village l896.

«Le moment venu, quand ce fut l'heure de traverser l'abattoir, il me retint à son côté. Il entrait dans les aspects particuliers de l'équipement, parlant de chaque détail comme s'il avait été conçu par amour des bêtes. Ses paroles formaient comme un écran protecteur entre moi et ce que je voyais, de sorte que je serais incapable de décrire avec précision ce que je vis... Mais voilà que, brusquement, nous fûmes confrontés à quelque chose qui le réduisit à néant, lui et toute sa science. On passa devant une brebis qui venait d'être tuée et qui gisait, ouverte, sous nos yeux. Un agneau minuscule, pas plus grand que la moitié du pouce, nageait dans les entrailles de la mère étalées devant nous. On voyait distinctement sa tête et ses pattes, mais tout, y compris son corps, avait l'air transparent. Peut-être ne l'aurions-nous même pas remarqué s'il ne s'était arrêté pour nous expliquer ce qu'on voyait là, d'une voix douce mais d'où toute émotion était absente. Nous faisions tous cercle autour de lui et il m'avait quitté momentanément des yeux. Ce fut moi, cette fois, qui le regardai, déclarant à voix basse: «C'est un crime.» Élias Canetti

«Les bêtes, dites-vous, n'ont point de raison. Elles manquent bien d'une raison humaine, mais non de celle qui est la leur et tellement qu'on ne peut plus dire, semble-t-il, qu'elles soient privées de raison. Si ce n'est par rapport à nous ou à notre espèce: et d'ailleurs la faculté discursive ou la raison semble être une faculté générale, qui peut leur être attribuée aussi bien que la faculté de connaître ou le sens interne. Vous dites qu'elles ne raisonnent point. Mais si leurs raisonnements ne sont point aussi parfaits et ne portent point sur autant de choses que ceux des hommes, encore est-il qu'elles raisonnent cependant et il semble qu'il n'y ait rien de différent, sinon quant au plus et au moins. Vous dites qu'elles ne parlent pas, mais si elles ne profèrent point de paroles humaines (aussi ne sont-elles points des hommes), elles en profèrent pourtant qui leur sont propres, et dont elles usent comme nous usons des nôtres. Un fou, dites-vous, peut bien assembler plusieurs mots pour signifier quelque chose, ce que néanmoins la bête la plus intelligente ne saurait faire. Mais voyez s'il est bien équitable de votre part d'exiger d'une bête les paroles d'un homme et de ne pas tenir compte de celles qui lui sont propres.» Pierre Gassendi, philosophe de Digne